Aménager un local d’archives.
Deux situations se présentent généralement au responsable des archives : il hérite d’un local déjà existant. Plus rarement, il a l’opportunité de mener à bien un projet d’aménagement d’un nouveau dépôt d’archives.
Dans tous les cas, il est utile de procéder à une analyse de la situation du bâtiment et d’évaluer les risques que présente le local, sachant que les principales menaces pour les archives sont :
- l’incendie;
- l’inondation;
- le vandalisme.
Un rapport écrit de l’état du local rappellera, en cas de sinistre, que le responsable a fait son travail de prévention.
Organisation des locaux
Les Archives, ne se résument pas aux dépôts. Elles comprennent aussi une salle de tri et/ou un bureau pour l’archiviste ainsi qu’un espace de consultation. Pour garantir la sécurité et la confidentialité des documents, les dépôts devrait être réservé au personnel des archives. Dans la réalité, ce n’est pas toujours possible, surtout lorsque les dépôts contiennent à la fois des archives à valeur historique et des archives intermédiaires, ces dernières étant la plupart du temps du ressort des services de l’institution. Les accès devraient être régis par des clés de sûreté ou des systèmes d’accès électromagnétiques à code qui offrent une sécurité accrue.
Les bureaux devraient être aménagés de sorte à pouvoir surveiller les lecteurs, par exemple en installant une paroi vitrée donnant sur la salle de consultation. L’installation d’un coin « vestiaire», où les lecteurs laisseront leurs affaires permettra qu’ils n’apportent dans la salle de lecture que le strict nécessaire.
Selon la configuration des lieux, prévoyez un ascenseur ou monte-charge pour faciliter le transport des archives. Lorsque le local des archives est prévu au sous-sol, il est recommandé de construire une rampe permettant d’amener les archives directement depuis l’extérieur (mais attention aux infiltrations d’eau !).
Les dépôts
Risques d’incendie
- Existe-t-il un système de détection incendie ?
Le marché offre plusieurs dispositifs de détection : détection de fumée, de flammes, thermiques (réagit aux changements de température), à ionisation (réagit aux gaz). Pour déterminer son choix, il est nécessaire de prendre conseil auprès d’un spécialiste.
- Existe-t-il une dalle sous le plancher ?
Une dalle permet de ralentir la propagation rapide d’un incendie.
- Le mobilier est-il adéquat ?
Des étagères que l’on peut fermer (rayonnages mobiles) ou des armoires anti-feu permettent de protéger leur contenu de manière plus efficace que le mobilier laissant les documents sans protection. Le mobilier métallique permet d’éviter la prolifération de la vermine et ne fournit pas de matière combustible (voir plus bas).
- L’accès aux archives est-il encombré ?
En cas de sauvetage d’urgence, les pompiers doivent pouvoir entrer facilement dans les locaux. Idem pour le matériel anti-incendie : les extincteurs ne doivent pas être cachés par des amas d’objets divers.
En plus de la détection, il est également possible d’installer des systèmes d’extinction d’incendie. Qu’ils soient manuels (extincteur portatif à eau, gaz ou chimique) ou automatiques (sprinkler), ces installations doivent être pensées en rapport avec la configuration des lieux afin d’assurer le maximum d’efficacité.
Comme pour les systèmes de détection, il est nécessaire de demander conseil à un spécialiste.
Risques d’inondation
- Y a-t-il des tuyaux de canalisations apparents ? Dans ce cas, il est recommandé d’installer une protection autour des tubes;
- Y a-t-il des ouvertures par lesquelles l’eau peut s’engouffrer (soupiraux) ?
- Dans les locaux en sous-sol, existe-il une possibilité d’évacuation de l’eau par gravité ? Attention, l’eau peut aussi provenir de là en cas de gros orage ou de tuyau bouché. Que l’on soit au 2ème étage d’un bâtiment ou au sous-sol, il faut toujours prévoir un système anti-refoulement des orifices d’évacuation.
Un bon moyen de prévention consiste à entreposer les documents les plus précieux à une hauteur minimale et non sur l’étagère du bas, en tous les cas pas à même le sol. Il est aussi conseillé de surélever le seuil d’entrée du local. L’installation de pompes devant les portes principales en cas d’afflux massif d’eau est aussi une solution (appliquée aux Archives de la commune de Villeneuve).
Comme pour l’incendie, il est possible de prévoir des appareils de détection de fuites d’eau et inondations, qu’on installera dans les zones à risques (sous-sol, près des canalisations) et en tenant compte, par exemple, de l’emplacement des collections précieuses. Ces appareils peuvent être reliés à une centrale de surveillance.
- Comment protéger et/ou évacuer les archives en cas de sinistre ?
Certains locaux présentent diverses possibilités d’évacuation en cas urgence. C’est l’occasion de prendre contact avec les pompiers et la protection civile afin qu’ils fassent un repérage et une analyse des lieux, ceci pouvant être suivi par un exercice d’évacuation. [voir Gestion des catastrophes]
Humidité et température
Un contrôle sur plusieurs mois de l’hygrométrie, dont les résultats sont reportés régulièrement sur une grille de relevés, est nécessaire. Il est possible d’acquérir des appareils électroniques qui effectuent cela automatiquement.
L’objectif est de maintenir une humidité relative entre 50% et 60% ainsi qu’une température entre 16º et 18ºC dans les dépôts.
Si des variations climatiques sont tolérées, elles ne doivent en aucun cas être brutales.
- Le local est trop ou pas assez humide
L’installation de ventilateurs (circulation de l’air), d’humidificateurs ou déshumidificateurs permet d’influencer température et humidité. Jouer sur l’étanchéité des fenêtres, en posant des rideaux, des volets pour éviter la chaleur provoquée par le rayonnement du soleil ou le froid et leurs effets sur le taux d’humidité des locaux peut aider. Accessoirement couvrir les fenêtres permet de protéger les documents d’une exposition directe à la lumière, toujours néfaste.
- Le local est trop chaud
L’installation d’une climatisation n’est pas toujours possible dans un local existant car il y a souvent trop de contraintes matérielles (local exigu, mal équipé au niveau des infrastructures etc.), sans parler du coût.
On peut rafraîchir l’atmosphère en aérant le local (ventilation naturelle) si l’air extérieur qui pénètre dans le local est plus frais qu’à l’intérieur. Attention, l’inverse présente des risques de condensation (air plus chaud et potentiellement plus humide pénétrant dans un volume plus froid) !
Climat
Si le local est fréquemment utilisé ou s’il se situe dans les combles, il sera probablement nécessaire de prévoir une régulation artificielle de la température et de l’humidité pour éviter des variations importantes et inévitables.
Dans certains cas, un système dit de « régulation passive » reposant sur la qualité de l’enveloppe du futur local peut être envisagé: l’enveloppe du local sert à limiter le transit d’air et assure une bonne isolation, tout en permettant la circulation de la vapeur d’eau.
Le local se situe alors dans la partie la plus massive du bâtiment, afin de limiter les apports d’énergie de l’extérieur. La construction en sous-sol est recommandée car le terrain apporte une inertie thermique relativement stable. Conjugué à l’utilisation de matériaux capables d’absorber l’humidité ambiante (ex. : la brique), ce système permet d’assurer, non une température constante, mais une variation saisonnière progressive et contrôlée, sans dommages pour l’état des documents. La doctrine en matière de respect des normes de température et d’hygrométrie est par conséquent un peu plus souple dans ce système qui permet surtout d’éviter les changements brusques de température (choc thermique), très néfastes à la conservation des archives. Ce système de “régulation passive” a le mérite de s’adapter à une politique basée sur les économies d’énergie et le développement durable et permet d’éviter le surcoût considérable qu’occasionnerait le stricte respect des normes.
En adjonction, la stabilité du climat dans le local peut être améliorée par la construction d’un sas à l’entrée du dépôt d’archives qui évite l’entrée directe d’air et d’humidité venant de l’extérieur. Cette solution a été appliquée par exemple aux Archives de la commune de Villeneuve.
Mobilier – Equiper les dépôts
Surface et capacité des rayonnages
Les documents d’archives sont lourds. Les planchers doivent pouvoir supporter des charges importantes. Même si les chiffres varient, il faut compter en moyenne 1’500kg/m2. En Suisse, la norme SIA 261 (Actions sur les structures porteuses) s’applique et les fabricants de mobiliers d’archives donnent également des indications dont il faut tenir compte. Les Archives cantonales recommandent 1’200 kg/m2 pour des rayonnages fixes; 2’000 kg/m2 pour des rayonnages mobiles. De fait, l’évaluation du type de supports des documents qui occuperont les étagères permet de s’orienter : s’agit-il uniquement de boîtes d’archives standard ou y a-t-il une forte proportion de registres volumineux et très lourds ? Le calcul de la résistance au sol variera en fonction de ces critères.
Choix du mobilier
A part les armoires, deux solutions d’équipement existent: les rayonnages fixes et les rayonnages mobiles. Le gain de place obtenu par les rayonnages mobiles est assez important, mais ils nécessitent un plancher adapté car ils permettent une plus grande concentration des documents augmentant le poids de stockage au m2.
Dans tous les cas, préférez le métal et évitez le bois dans lequel des parasites peuvent se développer.
Rayonnages mobiles :
- La longueur des épis ne doit pas excéder 10 mètres : au-delà, il est difficile d’actionner les volants manuels;
- Les systèmes avec moteur électrique sont à éviter : cet équipement est fragile et cher et peut occasionner des incendies dû à un court-circuit;
- L’installation des rayonnages mobiles sur un socle bois doit être évitée absolument : en cas d’humidité ou d’inondation, le bois gonfle et empêche le mouvement des roues et par conséquent l’ouverture des rayonnages;
- Si les rails des rayonnages mobiles ne sont pas noyés dans la dalle, pensez à prévoir une rampe d’accès permettant l’utilisation d’un chariot entre les rayonnages
Espaces à respecter entre les rayonnages :
- Pour favoriser la circulation d’air dans le dépôt et garantir un climat adéquat, laisser un espace d’au moins 30 cm entre le plafond et le haut des rayonnages mobiles;
- Pour la même raison, ne pas appuyer les rayonnages fixes ou les épis des rayonnages mobiles contre les murs: prévoir 5 cm entre l’extrémité de l’épi et le mur, 10 cm si le rayonnage est parallèle au mur;
- Largeur entre les épis parallèles: 80 cm au minimum, pour permettre le passage d’un chariot;
- Largeur des allées de circulation: 1,20 m, pour qu’il soit possible de manœuvrer avec un chariot (voie de fuite en cas d’incendie);
- Hauteur entre le sol et la tablette la plus basse: 15 cm, il s’agit d’une mesure préventive contre les risques d’inondation.
Les tablettes
Il est important de tenir compte du poids moyen des documents qui seront rangés sur les tablettes: des tablettes renforcées seront peut-être nécessaires pour l’ensemble ou une partie du mobilier. La profondeur recommandée est de 35 cm. Adaptée aux dimensions des boîtes d’archives standard, elle laisse un peu de marge pour des documents plus grands. Pour les documents de grands formats, prévoir de les ranger sur des tablettes de 40 cm ou dans des armoires adaptées. Il peut être utile de disposer d’un demi-bloc mobile de rayonnages équipés de tablettes de 40 cm pour ranger ces « grands » formats. Ces évaluations sont importantes, car contrairement aux rayonnages fixes, les rayonnages mobiles ne tolèrent aucun dépassement des documents hors des tablettes.
Eclairage dans le dépôt
Les ouvertures ne doivent pas dépasser la surface maximale de 10% de la façade. Les fenêtres ne doivent pas servir à aérer les locaux. Il faut prévoir un autre système d’aération, artificiel ou de régulation passive (cité plus haut).
En cas d’absence de lumière naturelle, prévoyez des tubes fluorescents à 150-200 lux maximum.
Bibliographie sur les bâtiments d’archives et leurs équipements :
Gregor Egloff, Max Huber, Anton Gössi, Archivbauten in der Schweiz und im Fürstentum Liechtenstein 1899-2009, Baden, 2007
Andrea Giovannini, De Tutela Liberorum, Baden, 2010